Les forces de l’ordre ont évacué ce mardi le campement situé sur la place de la Bastille, où près de 200 sans-abri étaient installés depuis plusieurs semaines à l’initiative de l’association Droit au logement.
Tout un symbole. Sur la place de la Bastille, à Paris (IIIe-XIe-XIIe), il y a ces anneaux olympiques dans lesquels les touristes grimpent volontiers pour se faire prendre en photo, avec en arrière-plan la Colonne de juillet. Depuis ce mardi 6 août, il y a aussi près de 200 tentes installées là pour « montrer ceux qu’on a voulu invisibiliser durant les JO », explique une participante.
Soutenus par des associations, des réfugiés et des jeunes isolés ont déployé leurs tentes, aux côtés de la cinquantaine de personnes déjà installées depuis début juin, en attente d’un logement social.
Ce mardi soir, à 20h30, les forces de l’ordre commençaient à procéder à leur expulsion. Des policiers prennent les tentes pour les charger dans un camion. Laurent Nuñez, le préfet de police avait écrit plus tôt à Utopia 56, une association qui soutient ce rassemblement, pour l’informer qu’il prenait « un arrêté interdisant cette installation sauvage ».
Au mégaphone, Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement lance : « On ne va pas partir de nous-mêmes ». Yann Manzi, d’Utopia 56 confirme : « S’ils viennent, on ne va pas résister. On ira ailleurs, mais ensemble.
« Est-ce qu’on ne peut pas réquisitionner quelques mètres carrés vacants pour les loger ? »
Antoine De Clerck, coordinateur et porte-parole du collectif le Revers de la médaille, qui réunit une centaine d’associations, dénonce le « nettoyage social » des JO : « On célèbre un Paris magnifique. On aimerait célébrer les médailles de Léon Marchand. On a fait des maraudes, des personnes à la rue regardaient les matchs de basket sur leurs téléphones. Tout le monde voudrait profiter des JO. Mais tous les grands campements ont été expulsés, les gens ne peuvent plus se réinstaller parce qu’on est dans un espace contraint avec des forces de l’ordre partout. Est-ce qu’on peut accepter ça d’une ville olympique ? Est-ce qu’on ne peut pas réquisitionner quelques centaines de mètres carrés vacants pour les loger ? » Les réfugiés qui occupent désormais la place de la Bastille ont eux-mêmes été évacués de leur ancien lieu de campement avant le début de la compétition.
Abul qui est arrivé en 2022 du Bangladesh a été évacué de la porte de Clichy (XVIIe) et envoyé à Orléans (Loiret). « On nous a mis dans un bus, rembobine ce père d’une fillette de 16 mois et d’un petit garçon de 3 ans. Nous sommes restés trois semaines à Orléans et après on nous a envoyés à Chartres (Eure-et-Loir), où on a d’abord été hébergés dans un hôtel. »
La famille ira ensuite en foyer puis on leur conseillera de retourner à… Paris. « J’ai payé mes billets, précise Abul. Je ne comprends pas, qu’est-ce que je peux faire ? Si j’avais été seul, je m’en fiche, je peux dormir dans un parc. Mais là j’ai deux enfants en bas âge. Tous les jours, j’appelle le 115 et on me répond qu’il n’y a pas de place dans les hôtels à cause des JO. Si la police vient, ils vont nous trouver une solution ? »
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Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre publié en février, plus de 8 300 personnes, dont 2 800 mineurs, ont été refusées chaque soir par le 115 (le numéro pour demander une place dans un centre d’urgence) à l’automne dernier, contre 6 300 un an plus tôt.
La colère des élus parisiens face au « silence radio » de l’État
La région rappelle de son côté l’ouverture de 120 000 places d’urgence chaque nuit en région parisienne et la création de 216 places d’hébergement pérennes supplémentaires. Le 25 juillet, plus de 300 personnes qui campaient devant la mairie du XVIIIe arrondissement pour réclamer un toit avaient trouvé une place dans un hébergement d’urgence, mais une centaine de personnes étaient restées à la rue, selon Utopia 56.
Pour Yann Manzi, « il y a plus de 500 familles actuellement en errance dans Paris ». Concernant les expulsions sèches et les mises à l’abri en urgence des jeunes mineurs isolés, c’est une problématique pointée du doigt depuis des mois maintenant par des élus parisiens, qui se disent en colère face « au silence radio » de l’État, seul responsable de leur relogement.
« On colmate ces manquements comme on peut, mais la Ville agit dans un cadre qui ne relève pas de ses compétences. La municipalité a identifié de nombreux lieux totalement vides dans Paris qui pourraient servir de lieu d’hébergement, mais l’État refuse de les réquisitionner », s’indignait Léa Filoche, adjointe aux Solidarités à la mairie, auprès du Parisien au mois de mars, .
Autre conséquence, selon les associations de cette forte présence policière dans les rues de la capitale, l’isolement. Les personnes en situation irrégulières se cacheraient pour éviter les forces de l’ordre et les OQTF (Obligations de quitter le territoire français) qui pourraient être prises après des contrôles d’identité.