Armée déployée, assignations à résidence, pénuries… Le point sur la situation en Nouvelle-Calédonie

0
83
People gather near an overturned car in the Motor Pool district on Tuband in Noumea on May 16, 2024, amid protests linked to a debate on a constitutional bill aimed at enlarging the electorate for upcoming elections of the overseas French territory of New Caledonia. France deployed troops to New Caledonia's ports and international airport, banned TikTok and imposed a state of emergency on May 16 after three nights of clashes that have left four dead and hundreds wounded. (Photo by Delphine Mayeur / AFP)

La nuit a été marquée par une légère décrue des tensions, mais l’archipel est toujours marqué ce jeudi par des affrontements, des incendies et des pillages. L’état d’urgence a été déclaré et un renfort important des forces de l’ordre est annoncé pour les heures à venir.

Après trois nuits de violentes émeutes meurtrières, les signes d’accalmie semblent encore fragiles en Nouvelle-Calédonie. En proie à des pillages, des incendies et des affrontements armés entre émeutiers et population ou avec les forces de l’ordre, l’archipel français du Pacifique Sud a été placé sous état d’urgence après la mort de quatre personnes, dont un gendarme.

Le gouvernement a aussi annoncé le déploiement de l’armée sur place pour tenter de ramener le calme sur ce territoire secoué par la fronde des indépendantistes contre une réforme électorale votée par le Parlement. La dernière nuit a été moins violente que les précédentes, mais la situation reste sous haute tension. Les forces de l’ordre vont « reprendre le contrôle dans les heures qui viennent », a assuré le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin.

L’armée déployée sur place

Le président Emmanuel Macron a décidé mercredi d’instaurer l’état d’urgence sur l’archipel, réclamée par de nombreuses voix à droite et à l’extrême droite. Le dispositif est entré en vigueur sur le Caillou depuis 20 heures mercredi heure de Paris (5 heures jeudi à Nouméa).

Dans ce cadre, l’armée va être déployée sur l’archipel pour permettre de « sécuriser » les ports et l’aéroport de Nouméa, fermé jusqu’à nouvel ordre, a indiqué mercredi le Premier ministre Gabriel Attal, qui doit à nouveau présider une cellule de crise interministérielle jeudi matin à Beauvau à 8h30. « Un avion par jour est envoyé à Nouméa grâce au ministère des Armées », des renforts venus aider les forces de l’ordre, a expliqué sur France 2 jeudi matin Gérald Darmanin. Pour autant, « il n’y aura pas l’armée dans les rues de Nouvelle-Calédonie, c’est une question de maintien de l’ordre, pas d’invasion militaire », a-t-il appuyé.

VIDÉO. Nouvelle-Calédonie : l’état d’urgence en vigueur « à partir de 20 heures »
Le haut-commissaire sur le territoire français du Pacifique, Louis Le Franc, a pour sa part « annoncé un couvre-feu et interdit TikTok », un réseau social utilisé par les émeutiers, a précisé le chef du gouvernement. Un couvre-feu était déjà en vigueur jusqu’alors à Nouméa et son agglomération, sans permettre d’endiguer la flambée de violences.

Le profil des victimes se précise

Cet embrasement a fait trois morts, deux hommes de 20 et 36 ans, ainsi qu’une adolescente de 17 ans, ont détaillé les autorités jeudi. Les deux hommes, Kanaks, « venaient manifestement voler une voiture et se sont fait tirer dessus à balle réelle », a expliqué Gérald Darmanin. « La police a interpellé la personne qui était responsable » de leur mort, a-t-il indiqué, soulignant que « ce n’est pas les forces de l’ordre qui sont responsables de ces morts ».

Un gendarme de 22 ans touché à la tête par un tir a également succombé à ses blessures. Il a reçu un tir « en plein front », après avoir retiré son casque de protection, alors qu’il échangeait avec « de vieux Kanaks venus discuter avec lui », a expliqué le ministre, qui a déploré par ailleurs « de très nombreux blessés » sur l’archipel.

Une nuit « moins violente » pour toujours sous tension

La tension semble toutefois être descendue d’un cran ces dernières heures : la nuit de mercredi à jeudi « a été moins violente », a déclaré le haut-commissaire. Selon Sonia Backès, ex-secrétaire d’État et principale figure du camp non-indépendantiste, a elle aussi décrit sur sa page Facebook « une nuit beaucoup plus calme à peu près partout », « due à la mobilisation exceptionnelle des Calédoniens qui protègent leur quartier (…) et à la présence beaucoup plus importante des forces de l’ordre » notamment.

Dans l’agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la protection de leurs quartiers et érigé des barricades de fortunes, faites de palettes de bois, de bidons et autres brouettes, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs. Quant aux forces de l’ordre, des « centaines » de forces de l’ordre vont arriver sur place, plaçant de 1 700 policiers et gendarmes à « 2 700 d’ici demain soir », a annoncé Gérald Darmanin. « Le calme va être rétabli », « même si les choses sont difficiles », a-t-il insisté.


À lire aussi« Il faut faire preuve d’une grande fermeté » : l’exécutif face au bourbier en Nouvelle-Calédonie


Pour cause, les violences se sont poursuivies malgré ce léger mieux sur l’archipel, qui a une nouvelle fois connu des « affrontements très importants », a déploré le haut-commissaire jeudi. L’agglomération de Nouméa a de nouveau été la proie des pillages et des incendies, a-t-il ajouté. « Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l’ordre », qui ont subi des « tirs nourris de carabines de grande chasse », a poursuivi Louis Le Franc.

Des coups de feu nourris ont résonné au petit matin dans la ville, en particulier à Auteuil, un des quartiers pauvres du nord de la capitale qui se trouve dans un état de désolation, après la destruction de tous ses commerces. Le bâtiment du Sénat coutumier a aussi été incendié. Sonia Backès a réclamé jeudi dans un courrier à Matignon la mise en place d’un « fonds exceptionnel de reconstruction » après trois nuits de « violence inouïe », dont elle a chiffré le coût à 150 millions d’euros.

Dix assignations à résidence

Depuis le début des violences lundi, « plus de 206 interpellations », ont eu lieu, a expliqué jeudi Gérald Darmanin. Il a aussi indiqué avoir assigné à résidence ces dernières heures dix personnes, des « leaders mafieux » issus de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS).

Il a décrit « un groupuscule qui se dit indépendantiste, qui en fait commet des pillages, des meurtres manifestement, de la violence », et qu’« il ne faut pas les confondre avec des militants politiques ». « Nous ne reculerons pas », a-t-il insisté, indiquant qu’il procéderait à « plus d’une vingtaine d’assignations à résidence supplémentaires » ce jeudi.

VIDÉO. Incendies et panaches de fumée à Nouméa, des émeutes secouent la Nouvelle-Calédonie
Le ministre a aussi annoncé des « perquisitions administratives » qui vont débuter ce jeudi. « Je crois que nous sommes aujourd’hui vers le rétablissement de la paix publique », et les forces de l’ordre vont « reprendre contrôle dans les heures qui viennent », a-t-il assuré.Dans un communiqué, les leaders du CCAT, sans réagir à ces assignations, ont argué que « les exactions commises (…) n’étaient pas nécessaires », mais étaient « l’expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien ».

Protection policière proposée à tous les responsables politiques

Signe de la gravité de la situation, Emmanuel Macron a renoncé à un déplacement prévu jeudi sur le site de l’EPR à Flamanville (Manche) pour pouvoir présider une « réunion de suivi ». Il a proposé aux élus calédoniens d’avoir « un échange par visioconférence » à son issue. Il a aussi annoncé mercredi que les « délégations calédoniennes » seraient invitées à Paris « rapidement », soulignant « la nécessité d’une reprise du dialogue politique ».

De son côté, Gérald Darmanin a proposé, à la demande d’Emmanuel Macron, « la protection policière de tous les leaders politiques, indépendantistes et non-indépendantistes », a-t-il annoncé jeudi. Quant au texte de révision constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres, adopté par l’Assemblée Nationale malgré les critiques des camps indépendantistes, il a estimé qu’il ne fallait pas le retirer, refusant que « la violence, les pillages les meurtres fassent pression sur la démocratie ». Le ministre a aussi au passage accusé l’Azerbaïdjan d’ingérence sur place.


À lire aussiNouvelle-Calédonie : le nickel au cœur de la révolte


Un « pont aérien » pour lutter contre les pénuries

Faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d’attente devant les magasins. Jeudi, les autorités ont annoncé un « pont aérien » entre l’hexagone et le territoire calédonien, notamment pour « assurer la prise en compte des besoins essentiels de la population ». Le haut-commissaire a également évoqué la mise en place de convois sécurisés pour approvisionner les points de distribution alimentaire. La fédération des établissements d’accueil des personnes âgées a aussi alerté sur une possible « pénurie de médicaments ».

« Il se peut que les militaires des forces françaises aident les gendarmes, notamment pour des problèmes de santé », a indiqué Gérald Darmanin. « L’État met énormément de moyens pour sauver des vies, pour protéger les infrastructures les plus importantes, l’aéroport, le port, l’électricité, l’hôpital », a-t-il assuré.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici