Arnaque géante dans le BTP : accusé d’être à la tête du réseau, le couple creillois tente de minimiser son rôle

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Suspectés d’être à la tête de la vaste arnaque dans le BTP examinée par le tribunal de Senlis depuis lundi, Samia et Mohamed, le couple au cœur de cette fraude en bande organisée, ont été longuement interrogés au deuxième jour du procès. Pour réfuter être les donneurs d’ordre.

Après avoir invoqué leur droit au silence pendant leur garde à vue, Samia et Mohamed, le couple de Creillois présumé être à la tête de cette vaste fraude portant sur 19 millions d’euros, a été longuement entendu ce mardi au tribunal de Senlis (Oise).

Et tandis que la plupart des gérants de paille entendus la veille et en matinée, ont clairement indiqué que Samia et « Tyson », le surnom du massif Mohamed, leur donnaient les instructions et la marche à suivre pour créer des sociétés avec des comptes bancaires sur lesquels transitaient d’importantes sommes d’argent, une version inédite va émerger lors de ce deuxième jour d’audience.


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C’est Moustafa M., 30 ans, le frère de « Tyson », qui amorce à la barre cette innovation dans le dossier. Celle d’un mystérieux et dangereux individu, qui serait à la tête de toute l’affaire. Et imposerait sa volonté à tous, y compris Samia et « Tyson ». « Ils ont peur de lui, il menace leurs enfants », croit savoir Moustafa pour parachever sa description de cet inconnu menaçant, « qui vit sur Paris et que personne ne connaît vraiment ». Une sorte de Keyser Söze, ce personnage du film « Usual suspects », que personne ne connaît mais que tout le monde craint…

« J’ai peur pour ma femme et mes enfants »

Mohamed « Tyson », bien que se disant fâché avec son frère pour des raisons familiales, est d’accord avec son cadet. Ce ressortissant égyptien âgé de 37 ans, nie se trouver au sommet de la pyramide de ce réseau. Sauf que lui n’évoque pas qu’un seul individu mais au moins deux, comme chefs d’orchestre de cette vaste fraude.

« Un égyptien et un tunisien, précise même Tyson. J’ai peur pour ma femme et mes enfants, ils m’ont menacé, du coup j’ai jeté mon téléphone pour éviter qu’ils ne m’appellent. » Au-delà de la peur qu’inspirerait ce présumé duo, pourquoi ne pas avoir évoqué leur existence avant ? « Ils ont le bras long, il y a même des policiers qui sont de mèche avec eux », prétend Mohamed. Mais hormis Tyson, son frère et Samia, aucun des cinq autres prévenus ne semblent connaître l’existence de ces hommes et a fortiori, personne n’a reçu de menaces. Sauf Hajr, la jeune sœur de Samia, qui explique avoir été inquiétée : « De la part de Tyson, après ma garde à vue, il m’a dit qu’il allait me tuer si j’avais dit quelque chose. »

« C’était moi l’intermédiaire »

Pendant presque quatre heures, les réponses de Mohamed « Tyson » ne sont pas toutes d’une grande limpidité, quand elles ne sont pas carrément contradictoires. Ainsi, celui qui se dit lui-même « ignorant, ne sachant ni lire ni écrire le français » se serait vu confier des démarches auprès de l’Urssaf et de l’administration fiscale par ses « patrons ». Lesquels le gâtent particulièrement puisque sur les fonds de cinq des dix-huit sociétés créées pour blanchir l’argent provenant de travail dissimulé sur les chantiers, ils offrent plusieurs billets d’avion vers l’Égypte à Mohamed, lui permettent d’utiliser les cartes bleues à sa guise et d’utiliser une Mercedes neuve, achetée via l’une de ces sociétés. Même des mensualités de son loyer seront payées par les comptes de ces sociétés aux gérants de paille.

Plus directe, Samia brosse un tableau aux contours un peu plus travaillés. « Il y a effectivement plusieurs personnes à la tête de ce réseau, Mohamed et moi sommes deux personnes au même niveau que les autres prévenus. S’ils ne connaissent pas les patrons, c’est parce que c’était moi l’intermédiaire, c’est d’ailleurs pour ça qu’il y a beaucoup de mes proches dans les gérants recrutés. »

« Quand quelqu’un me demande, je ne réfléchis pas »

Bombardée gérante de l’une des sociétés ainsi montée, Hjar, 23 ans, la jeune sœur de Samia. La « rebelle de la famille », rejetée par sa mère, et qui voyait en son aînée une mère de substitution. « Aujourd’hui, je ne parle plus à ma famille, indique la jeune femme en étouffant quelques sanglots. J’ai accepté d’ouvrir une société à mon nom, de faire des retraits en liquide, j’ai même transporté 10 000 euros en liquide jusqu’en Égypte. L’argent était dans les affaires du fils de Moustafa, le frère de Tyson, que j’accompagnais dans l’avion. » La société dont Hajr était gérante de paille recevra 164 000 euros d’aide de l’État au titre du chômage partiel pendant la pandémie. Des fonds qui serviront notamment… pour acheter une voiture.

Le couple hisse également Khédidja, 53 ans, la mère de Samia, au rang de gérante de l’une de ces sociétés, avec le compte bancaire afférent. Ne sachant ni lire ni écrire, la quinquagénaire ne posera guère de questions à son gendre et à sa fille. « Quand quelqu’un me demande, je ne réfléchis pas », reconnaît Khédidja à la barre. Un profil de rêve pour le couple, dont plusieurs écoutes téléphoniques semblent confirmer qu’il connaît parfaitement la marche à suivre et qu’il donne des directives précises aux autres. Où sont passés les 19 millions d’euros ? Peut-être en Égypte, où « Tyson » possède une maison, « que lui a vendue sa sœur », précise le prévenu. .

Ce mercredi, le tribunal terminera l’examen des personnalités de tous les prévenus. Le procureur pourra ensuite livrer ses réquisitions avant les plaidoiries des différents avocats.

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