« Ces cartes postales de grands ensembles sont les archives d’un monde appelé à disparaître »

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Pour Renaud Epstein, sociologue, auteur d’« On est bien arrivés », les photos des grands ensembles montrent l’ampleur d’un projet de construction qui a transformé la France. Dans un entretien au « Monde », il raconte la genèse de ce livre.

Professeur de sociologie à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, spécialiste de la politique de la ville, Renaud Epstein est l’auteur d’On est bien arrivés. Un tour de France des grands ensembles (Le Nouvel Attila, 160 pages, 18 euros), un livre qui présente une sélection de cartes postales de grands ensembles emblématiques de la reconstruction d’après-guerre. Ces cartes postales, qu’il publie méthodiquement sur un compte Twitter, sont issues de sa collection personnelle.

Comment en êtes-vous venu à collectionner des cartes postales de grands ensembles ?

La première, je l’ai achetée à la fin de mes études, à l’époque où je terminais mon mémoire de DEA. Je faisais une enquête sur la politique de la ville dans le quartier des Trois Ponts, à Roubaix. Je prenais un café dans le bar-tabac PMU et sur le comptoir, j’ai vu un présentoir avec des vieilles cartes « Joyeuses Pâques », « Joyeux Noël », toutes défraîchies… Au milieu, une carte postale de la cité. Il y avait là quelque chose de dissonant… J’en ai acheté quelques-unes. J’en ai envoyé deux ou trois et j’en ai conservé une pour moi. J’ai continué à sillonner la France des grands ensembles pendant une vingtaine d’années, et chaque fois que je découvrais une nouvelle cité, je partais à la recherche d’une carte postale des lieux. J’en trouvais la plupart du temps, jusqu’au milieu des années 2000, du moins.

En 2003, Borloo a lancé le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) qui promettait la démolition – partielle – de plusieurs centaines de quartiers. Ces cartes qui représentaient les grands ensembles au moment de leur livraison quand ils étaient tout neufs, tout beaux, prenaient d’un coup une nouvelle fonction. Ce n’étaient plus seulement des souvenirs mais de véritables archives d’un monde appelé à disparaître ou du moins à se transformer radicalement. J’ai alors essayé de m’engager dans une collecte plus systématique en écumant les vide-greniers, collecte qui s’est intensifiée quand j’ai découvert le site Delcampe.net, une sorte de eBay de la carte postale.

En 2014, vous commencez à les publier sur Twitter. C’est encore une étape ?

Au début, je n’avais pas de projet précis mais les réactions ont été tellement nombreuses, les échanges fructueux… J’ai compris que la matière sur laquelle je travaillais intéressait les gens bien au-delà du petit cercle que je touche avec mes publications scientifiques. A partir de là, j’ai essayé de trouver des cartes de tous les quartiers qui faisaient l’objet d’un projet de rénovation urbaine. J’y suis presque arrivé, mais pas tout à fait parce que certains, dans les zones touristiques notamment, n’ont pas leur carte postale.

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