La France, qui a achevé lundi le retrait des soldats français de l’opération Barkhane, a rejeté les accusations portées par le Mali dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations unies. Bamako y dénonce des “actes d’agression” de l’armée française sous forme de violations de sa souveraineté, de soutien apporté aux groupes jihadistes et d’espionnage.
Le Mali a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion d’urgence pour faire cesser ce qu’il présente comme “les actes d’agression” de la France sous forme de violations de sa souveraineté, de soutien apporté selon lui aux groupes jihadistes et d’espionnage.
Avec ces accusations, le gouvernement dominé par la junte militaire fait franchir un nouveau degré à l’escalade verbale de ses incriminations contre la France. Le commandant de la force française Barkhane a jugé, mercredi 17 août, le propos “insultant” pour la mémoire des soldats français et maliens et des Casques bleus tués au Mali, pays pris dans la tourmente jihadiste et sécuritaire depuis 2012.
“C’est un peu insultant pour la mémoire de nos 59 camarades qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire de tous les Maliens qui se sont battus à nos côtés, mais aussi les personnels de la Minusma, des forces africaines de la Minusma qui sont tombés en luttant contre le terrorisme”, a dit le général Bruno Baratz à Radio France Internationale au Niger, pays voisin du Mali et allié de la France ayant accepté le maintien d’une base aérienne française à Niamey.
“La France n’a évidemment jamais soutenu, directement ou indirectement, ces groupes terroristes, qui demeurent ses ennemis désignés sur l’ensemble de la planète”, a indiqué de son côté sur Twitter l’ambassade de France au Mali, soulignant que 53 soldats français étaient morts au Mali au cours des neuf dernières années.
La représentation diplomatique a également rappelé que “dans tous les communiqués des groupes terroristes, la France était jusqu’à son départ désignée comme l’ennemi numéro un. Le principal objectif revendiqué par ces jihadistes était le départ de Barkhane.”
Interrogé sur les accusations portées par le Mali contre la France, le porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a déclaré que les Nations unies étaient “extrêmement reconnaissantes à la France et aux forces françaises de leur engagement” pour stabiliser le Mali. Farhan Haq a espéré devant la presse, sans nommer personne, que tout autre pays coopérant avec les autorités maliennes essaierait “pareillement de jouer un rôle stabilisateur”.
Quant à une réunion d’urgence du Conseil, il a déclaré que la décision appartenait à ses membres.
Le Mali n’est pas membre du Conseil de sécurité et sa demande doit être relayée par un État membre. Un diplomate a jugé sous couvert de l’anonymat à New York “improbable” qu’une telle réunion ait lieu.
Bamako prêt à “faire usage de la légitime défense”
Les dernières manifestations de la détérioration des relations entre Bamako et Paris coïncident strictement avec le départ du dernier soldat français au Mali après neuf ans d’engagement contre les jihadistes. La junte au pouvoir au Mali depuis le putsch d’août 2020 s’est détournée de la France et de ses alliés pour se tourner vers la Russie.
L’armée française, poussée vers la sortie, a quitté successivement et transféré aux autorités maliennes ses différentes bases au Mali, la dernière lundi à Gao. Les Russes semblent n’avoir pas traîné. Le gouvernement allemand a indiqué mercredi disposer d’informations selon lesquelles environ 20 à 30 personnes, probablement des Russes en uniforme, ont été repérées en train de décharger un avion sur l’aéroport de Gao le jour du départ français.
L’aéroport jouxte immédiatement le périmètre qui incluait la base française et comprend aussi le camp de la mission de l’ONU (Minusma), avec un fort contingent allemand.
Du même jour date une lettre adressée par le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, à la présidence en exercice chinoise du Conseil de sécurité de l’ONU. La lettre, transmise mercredi à des journalistes par ses services et abondamment reproduite sur les réseaux sociaux, dénonce les “violations répétitives et fréquentes” de l’espace aérien national par les forces françaises au cours des derniers mois, et les vols d’appareils français se livrant à “des activités considérées comme de l’espionnage” et des tentatives “d’intimidation”.
Les autorités maliennes disposent “de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions”, ajoute Abdoulaye Diop. Le chef de la diplomatie malienne laisse entendre que les Français pourraient avoir transporté par hélicoptère deux membres d’un groupe jihadiste début août dans la région de Tombouctou.
Le Mali “invite” le Conseil de sécurité à œuvrer pour que la France “cesse immédiatement ses actes d’agression” et demande à la présidence chinoise de communiquer ces éléments aux membres du Conseil de sécurité en vue d’une réunion d’urgence, indique Abdoulaye Diop.
Le Mali “se réserve le droit de faire usage de la légitime défense” si les agissements français persistent, conformément à la Charte des Nations unies, affirme le ministre.
Avec AFP et Reuters